Une chaise confortable ? Une belle chaise ?
La chaise vue de profil et l’inclinaison de l’assise et du dossier
1/ Une belle chaise : géométrie anguleuse et pure ? Rietveld utilise une grammaire séduisante des lignes : - un empilement de verticalité et d’horizontalité pour les barreaux, soit une géométrie facile à comprendre, - au sein duquel le dossier et l’assise semblent en équilibre précaire, c’est-à-dire la création d’un monde légèrement décalé. Et nous restons étonné par le « Comment tout cela peut-il tenir ? ».
D’autre part, la peinture permet de contredire efficacement l’effet compact de la chaise tout en rappelant bien la fonction : le dossier et l’assise sont parfaitement visibles tandis que le noir « dissimule » les barreaux. Géométrie et couleur sont en parfaite adéquation : une chaise bien pensée.
2/ Y-a-t-il une idée de confort ? Les caractéristiques ergonomiques de la chaise laissent présumer l’idée de confort : - un dossier incliné à 25° par rapport à la verticale, - une assise inclinée à près de 10° par rapport à l’horizontale.
La présence d’accoudoirs placés à plus de 20 cm de l’assise, la profondeur et la largeur du siège et le fait que ce dernier soit assez bas (moins de 40 cm) font que l’on se trouve davantage en présence d’un fauteuil que d’une chaise. Les côtes ergonomiques des largeur, profondeur et inclinaison révèlent que Rietveld se souciait d’une bonne assise. On imagine d’ailleurs mieux l’idée de fauteuil à laquelle Rietveld devait penser, quand on voit les panneaux verticaux au droit des accoudoirs de la première version bois. Panneaux qu’il supprimera dans les versions postérieures plus radicales.
Ces particularités ergonomiques, premières bases du confort, sont-elles suffisantes à l’appréciation du confort par les corps ?
L’histoire du siège est révélatrice de la recherche de confort pour le corps : on s’est d’abord isolé du sol par le siège, puis on a ajouté couvertures, coussins ou rembourrages de diverses mousses. On a exploré divers matériaux qui pouvaient épouser le dos et le maintenir. Le dossier et l’assise de la chaise rouge et bleue se résument à deux plans de bois parfaitement droits : aucun moulage, aucune incurvation. Le dos reste en tension.
Les propos de Rietveld concordent avec cette idée de tension et nous révèlent son souci de garder la « conscience en éveil » : on ne s’effondre pas, on ne s’endort sur une chaise. Le mental et le physique doivent rester toniques. Dans cette optique, la chaise rouge et bleue répond parfaitement à la définition qu’il nous fait de l’état de veille de la conscience : des caractéristiques ergonomiques idéales (on pourrait être assis sur un fauteuil) mais des matériaux durs et sans forme moulante (on est dans la tension d’une chaise).
3/ Plus qu’un meuble, n’est-ce pas une vision purement plastique ? Comme nous l’avons vu, la chaise rouge et bleue a eu une longue histoire depuis le premier modèle conçu en bois naturel et ses variantes aujourd’hui présentes dans le commerce. Elle n’a jamais été produite industriellement. Cela laisse penser que plus qu’un meuble destiné au marché des consommateurs, elle fut un champ exploratoire autour des idées : de confort, du faire soi-même grâce à un montage à priori facile, d’expressions esthétiques à partir de formes élémentaires. La chaise rouge et bleue ne fut-elle pas l’utopie d’une création parfaite et totale.
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